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GRANDS PROJETS - NOUVELLE ANALYSE DES RISQUES POST COVID.





La période que nous traversons cumule des nombreuses difficultés liées à la situation post COVID.


D’une part, certains pays connaissent une forte reprise économique, alors même que la pandémie très présente en Chine et en Asie conduit à une paralysie relative des outils de production. A cela viennent s’ajouter les conséquences de la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l’énergie.

L’analyse des risques et opportunités des grands projets notamment internationaux, doit tenir compte de facteurs nouveaux. Dans cet article je développe quatre principaux risques :


1. L'évolution de la compétence et de la capacité à faire des entreprises.

2. La stabilité des équipes de projets et le risque de "Big Quit », encore appelée la « Grande Démission »

3. Les dérapages de planning.

4. Le prix et la marge à terminaison.


 1.    La compétence et la capacité à faire de l’entreprise a évolué.

Dès 2021, de très nombreuses entreprises ont lancé des plans de départ volontaires ou des procédures de sauvegarde de l’emploi, faisant ainsi partir nombre de seniors expérimentés.  Cette spécificité souvent décrite comme française s’est généralisée dans le monde entier.

Il en va de même pour certaines sociétés d’expertise qui, ayant perdu des marchés pendant le COVID, ont réduit leurs effectifs ou tout simplement disparu du paysage.

Avec les délais de prises de décision de grands projets, nombre de dossiers importants et complexes sont en cours d’attribution à des groupements d’entreprises. Il convient de s’interroger avant signature, sur la capacité du groupement à tenir ses engagements, si le marché venait à lui être attribué. Après les périodes de COVID, la compétence technique peut se trouver fortement diminuée au sein de l’entreprise, ou au sein de l’une des sociétés du groupement.

Qu’il s’agisse de compétences en conception et modélisation, ou des compétences en construction ou soudure par exemple, les conséquences sur le planning et la rentabilité des projets sont réelles.

L’entreprise mandataire devra vraisemblablement se tourner vers le marché des freelances, pour renforcer ses équipes ou revoir la composition de son groupement avec l’accord du client.

2.    La stabilité des équipes de projet et le risque de   la « Grande démission » (Big Quit).

Nombre de grands projets conduisent à la mise en place d’équipes nombreuses avec de jeunes professionnels. Ces jeunes travailleurs cherchent des emplois plus alignés avec leurs valeurs et leurs aspirations. Ils peuvent ainsi exprimer de fortes exigences sur leur environnement professionnel et le fonctionnement, voire le management de leur équipe (entente et cohésion). Si les conditions ne leur satisfont pas, ils démissionnent seuls ou en groupe, restant convaincus que le marché du travail leur permettra de trouver des opportunités professionnelles meilleures.

Si le projet présente de sérieuses difficultés techniques sans perspectives de solution à court terme, ou encore que l’environnement du travail ne réponde pas à aux attentes des équipes (manquements à l’éthique, à la sécurité au travail ou aux exigences environnementales) alors les démissions se multiplient et le déroulement du projet peut s’en trouver fragilisé. Ce phénomène est présent aujourd’hui mondialement, il concerne autant les équipes occidentales que celles des plateformes offshores, en Inde ou au Vietnam par exemple. 

Il n’y a pas parade contractuelle à ce phénomène, les salariés étant libres de quitter leur emploi après préavis, souvent très courts dans de nombreux pays.   Il faut un travail collectif entre les différentes parties prenantes du projet, pour que le déroulement de celui-ci soit fluide et efficace et que les conditions de travail soient satisfaisantes.

Il s’agit donc pour le maitre d’ouvrage, comme pour les entreprises contractantes leurs équipes respectives de s’assurer du parfait alignement des objectifs du projet avec les valeurs défendues par ces jeunes professionnels.

Un dialogue fluide entre générations et la transparence dans les objectifs sont indispensables. Une attention particulière doit être portée par toutes les entreprises en matière de respect de l’environnement, de la biodiversité et de l’objectif de zéro carbone notamment.

3.    Les délais annoncés sont-ils tenables ?

Dans les nouveaux contrats, les délais annoncés doivent tenir compte par exemple du risque COVID, ou d’autres pandémies de même type pouvant apparaitre.

Ce risque étant désormais connu, il doit être anticipé ses conséquences en matière de confinement des personnes ou de fermeture des frontières, ne peut plus être présenté comme un cas de force majeure.

Dans un tel contexte comment le contrat peut intégrer une dérive potentielle des délais ?

La solution la plus évidente est la transparence entre les parties sur les géographies concernées par le projet, autant pour la localisation des équipes, que pour les opérations de Supply Chain.

Le projet peut par exemple se situer dans un pays africain avec des équipes et des équipements localisées sur un site de chantier. Les équipes de Maitrise d’Ouvrage, d’ingénierie ou d’expertise peuvent se répartir sur plusieurs pays, France, Royaume, Uni et inde par exemple. Enfin, les équipements peuvent provenir d’usines basées en Chine, en Allemagne et France.  On peut donc introduire aisément au contrat des limites géographiques à ce risque.

En revanche, les limites temporelles de ce risque sont plus complexes à définir. Elles peuvent s’inscrire dans le chemin critique du projet. A mesure que des jalons du projet sont atteints certaines géographies ne contribuent plus de facto à ce risque.

Les causes de non-respect du délai peuvent revêtir aujourd’hui des formes nouvelles. Des experts qui ne peuvent pas quitter leur pays de résidence ou accéder au pays dans lequel se déroule le chantier. Un équipement coûteux peut être immobilisé en usine par manque de composants électroniques nécessaires à son fonctionnement. Des marchandises restent bloquées dans le port d’un pays qui ferme ses frontières.

Il faut donc contourner ces difficultés nouvelles, par plus de transparence et plus de dialogue. Le contrat doit prévoir des points d’arrêt si de telles circonstances surviennent et anticiper des mécanismes de réajustement des délais, mais aussi de compensation des parties impactées, voire de réaffectation de certaines taches du projet vers d’autres géographies.

Ces clauses contractuelles deviennent nécessaires face au nombre croissant de parties localisées dans différents pays. En effet, les dépassements de délais ont des impacts négatifs sur les business plans des investisseurs, sur la mobilisation des équipes ou la non-utilisation d’équipements de production.

Pour les clients finaux, tout retard sur le projet s’accompagne d’une réclamation financière d’une des parties prenantes du projet.  Il faut prévoir des mécanismes pour les gérer.

Qui paiera les conséquences éventuelles de ces nouveaux risques ? La réponse est loin d’être évidente.


 4.    Les coûts et les prix. Peut-on encore assurer la marge du projet ?


La flambée continue des prix de l’énergie entraîne des conséquences à tous les niveaux du projet. Les prix des matières premières, des matériaux (bois, PVC, aciers, aluminium …) mais aussi des équipements et du transport, grimpent et ne sont pas encore stabilisés.

S’ajoute à cela un taux d’inflation élevé, et la nécessité de revoir à la hausse les rémunérations du personnel.

Si pour les nouvelles offres la notion de prix forfaitaire semble obsolète à court terme, elle continue à être demandée dans de nombreux appels d’offres. Les formules actuelles de révision des prix ne peuvent prendre en compte qu’une partie des hausses constatées.

Pour les offres émises depuis plusieurs années (avant le COVID par exemple) le sujet s’avère particulièrement complexe car la grille de prix n’est plus adaptée. Nombre de fournisseurs ne voudront pas honorer les commandes au prix fixé dans leur offre et préféreront se dédire. En effet, Le dédit peut parfois coûter moins cher qu’une livraison à perte.


 5.    La nécessité d’un dialogue transparent entre toutes les parties du projet.


Plus que jamais il faut établir un dialogue suivi entre clients et fournisseurs de manière à analyser dans le détail les risques cités.

En transparence, il faudra introduire entre les parties signataires du contrat, une nouvelle approche sur les risques liés aux pandémies.  Certains points sont à examiner systématiquement tels que l’immobilisation de certains sites industriels, l’impossibilité de transporter des équipements d’un point à l’autre du globe.

Enfin, il faudra certainement tenter d’introduire des nuances aux prix proposés à chaque étape : à la signature, en cours de travaux et à terminaison. Cela implique une prise de risque consentie entre financeurs, Maitre d’ouvrage et entrepreneurs avec des clauses de variation des prix à la hausse comme à la baisse.


L'auteur : Samy BENOUDIZ est Président de Kanda Consulting, société spécialisée en accompagnement opérationnel de Dirigeants et en management de projets complexes ou uniques.



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